Jean-Jacques Rosat est "orwellien", c’est officiel !
dimanche 21 septembre 2014 par bendyglu
À l’occasion de la parution de la traduction d’Une vie en lettres, recueil de lettres d’Orwell, un libraire parisien présente ainsi la rencontre avec Jean-Jacques Rosat qui aura lieu le 3 octobre :
À l’occasion de la sortie du magnifique volume Georges Orwell, une vie en lettres (1903-1950), ed. Agone, nous recevrons Bernard Hoepffner traducteur et orwellien en diable ainsi que le directeur de la collection (et tout aussi orwellien) Jean-Jacques Rosat.
Si l’on doute grandement que Bernard Hoepffner soit "orwellien", c’est par contre tout à fait exact de Jean-Jacques Rosat qui est même orwellien au carré. Car si O’Brien confiait à Winston un livre décrivant à peu près justement le fonctionnement de la société de 1984 pour mieux le tromper, c’est carrément avec 1984 sous le bras que Jean-Jacques Rosat a torturé toute l’équipe d’Agone pour essayer de leur faire admettre que 2+2 = 5 et l’infaillibilité épistémo-papale de Little Brother.
Sa contribution à la double-pensée méritait d’ailleurs d’être mieux connue, en voici donc un échantillon.
Photo : Le Peintre du Champ remet une assiette de zakouskis taillés dans un exemplaire de 1984 au chef de la DG Culture de la Commission européenne au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles
Proposition 1 (Interview datant de 2009)
Agone est une association. On ne fait pas de profit, on ne reçoit pas de prêt bancaire. On est donc totalement indépendants. Le fonds appartient collectivement aux salariés, ainsi que les locaux. Dans le monde de l’édition, cette indépendance est très rare. Les décisions sont prises collectivement. Il y a des salariés et des collaborateurs extérieurs comme moi. Ainsi le directeur de la collection Mémoires sociales est par ailleurs postier... Sur place, il y a un mode de fonctionnement communautaire qui gomme les hiérarchies. Ça ne veut pas dire que tout le monde fait tout, chacun a ses compétences. Chacun peut rester lui-même et il y a un grand respect des individus.
Proposition 2 (Témoignage en justice dans le cadre d’un référé engagé fin 2013 devant le TGI de Marseille demandant la convocation des membres de l’association Agone Editeur en Assemblée générale)
Depuis plus de treize ans que je travaille aux éditions Agone, c’est Thierry Discepolo qui en porte le projet éditorial, intellectuel et politique, projet qu’il a lui-même initialement posé en tant que fondateur, et qu’il n’a cessé de développer depuis. C’est avec lui, et lui seul, que j’ai initialement fixé les orientations de la collection Bancs d’essai que je dirige depuis. C’est lors de réunions de travail avec lui, et lui seul, - des « petits-déjeuners » tous les deux ou trois mois à Paris – que toutes les décisions concernant cette collection sont prises : choix des manuscrits, choix des traducteurs, préfaciers, appareil critique (notes, glossaires), calendrier de publication. Il en est ainsi depuis le début. (souligné par nous)
À partir de 2004, des réunions se sont tenues une fois ou deux par an à Marseille : des réunions générales réunissant directeurs de collection et salariés qui permettent à chacun d’acquérir une vision d’ensemble de la politique d’édition d’Agone, et de faire part de réflexions et, éventuellement, de critiques. ("Oui Not’Bon Maître, Oui Not’Monsieur" [1].)
"Moi, c’est moi seule" : carte postale insérée dans le dernier livre de Jacques Bouveresse, Le Danseur et sa corde
Nul doute que cette soirée exceptionnelle autour de Georges Orwell à la Librairie Atout Livre sise 203 bis, avenue Daumesnil 75012 Paris qui aura lieu le 3 octobre à 19h30 sera l’occasion de discuter à partir de diverses situations pratiques contemporaines, à commencer éventuellement par le cas des éditions Agone, sur la façon de neutraliser la double-pensée y compris chez celui qui, parce qu’il paraphrase Orwell, peut croire mais surtout faire croire qu’il ne saurait, de cette double-pensée, être ni manipulateur ni manipulé. [2] N’est-ce pas là la fonction de la liturgie et cela quel que soit le texte sacralisé (ie. lu mais non lu) ?
Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes les deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale [3] alors qu’on se réclame d’elle. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore.
George Orwell, 1984.
[1] Remarquons au passage que contrairement à ce qui est indiqué dans cette vidéo ce n’est pas "Le Conseil Régional de Midi-Pyrénées qui s’associe à Zebda" mais bien Zebda qui s’associe au Conseil Régional (solférinien) de Midi-Pyrénées lui fournissant une double caution, culturelle et de gauche (être de gauche n’étant plus une pensée en actes des rapports sociaux mais une distinction culturelle), Zebda et Jaurès. C’est tout le paradoxe des "reprises" (rééditions ?) et des célébrations culturelles que de servir d’Indulgences à tous les usurpateurs disposant des moyens de production ou de consommation. Mais cette accumulation de capital symbolique visant à produire la croyance bien faite pour dissimuler tous les mauvais coups est à double tranchant : la remise en circulation massive de ces textes pour nourrir la liturgie porte en elle le coup suivant qui consiste à les désembaumer pour les faire fonctionner sur des objets et des situations contemporaines, ce qui est la bonne façon de lire, pour les retourner contre leurs manipulateurs plus ou moins autorisés. Ne jetons pas le livre, jetons la préface et le commentaire autorisé !
[2] Notre hypothèse est qu’il est en fait les deux : manipulé manipulateur comme dans l’excellent film de Fassbinder World on a Wire qui n’est qu’une allégorie de la condition (sociale) humaine pas du tout éloignée de celle de la caverne. Une allégorie qu’un professeur de philosophie en fin de carrière comme Jean-Jacques Rosat n’a toujours pas comprise pour cause d’aveuglement scolastique. À partir d’un certain âge, la compréhension subite du sens social profond de cette allégorie provoquant généralement la mort du même nom du Philosophe, elle est formellement contre-indiquée.
[3] Jean Jacques Rosat portela "décence commune" en bandoulière... À moins que ce ne soit un pin’s. S’il va de soi que la morale confrontée à la réalité sociale du monde ne peut que se transformer en hypocrisie, l’invocation de la logique contre la logique est typique du moraliste déguisé en philosophe. Apprenons à les reconnaître et la raison sociale cessera peut-être de régresser sous leurs coups. Car ce qui est observable au niveau micro comme ici est valable au niveau macro. Sinon, bien au-delà des acteurs de cette pantalonnade dans lesquels s’inclut l’auteur de ces lignes, tout cela " vaudrait (-il...) une minute d’efforts" ? À voir : par définition tout le monde vit dans un microcosme même si certains, brandissant le drapeau historiquement souillé de sang des Uniques dont la multiplicité est tout aussi historiquement avérée, se croient plus macrocosmiques que les autres ! Ce qui n’est vraiment pas drôle car ils s’autorisent alors à détruire, parfois sous couvert de critique (intéressée) du relativisme et dans le confort microcosmique assuré par le contribuable, les microcosmes des autres aussi sûrement qu’un gouvernement socialiste capté par le microcosme du grand patronat détruit les conditions qui permettaient la vie du plus grand nombre
fr Impostures intellectuelles ?