“Quand y-a-t-il fiction ?”
lundi 25 janvier 2016 par bendyglu
illus. La Fête au village
Après avoir appareillé du Lac Rond, le Porte-Urinoirs Marcel Noël Bourdieu et ses frégates d’accompagnement lance-entonnoirs Karl Kraus et Guy Hocquenghem ont rejoint l’Escaut puis le Canal d’Anvers pour prendre position sur le canal de BruXXel au large des côtes de MolenbÉÉk, fictionnalisation plus forte que le réel de la Commune de Molenbeek créée par des intellectuels et des médias français objets d’une fiche “N” établie par le Laboratoire de Neuneulogie du Collège d’Argein.
C’est alors que nous croisions dans ces eaux que la communication fut rétablie avec notre consul à Marseille récemment nommé par notre Ministère des Affaires Réelles Ou Soit-Disant Telles et dont nous étions sans nouvelles depuis l’audience au TGI de Marseille du 12 janvier 2016 en attente de verdict. En voici la retranscription.
"M. Benoît EUGENE n’exerce en outre aucune activité littéraire" (Avocat d’affaires de l’Association Agone Editeur, audience du 12 janvier 2016)
Le Peintre Du Champ : Cher Consul, nous avions hâte de vous entendre. Le verdict est-il conforme aux prévisions du Laboratoire de Neuneulogie du Collège d’Argein, à savoir que nous avons tort et en payerons le prix sous forme de dommages et intérêts ?
Le Consul des Affaires Réelles ou Soit-Disant Telles à Marseille : Vos prévisions et votre appareil théorique ne tenaient pas debout. J’en aurais mis la main à couper depuis le début. Le réel est établi.
Le Peintre Du Champ : Cher Consul, quel plaisantin vous faites ! Alors que nous attendons avec impatience de voir un éditeur de gauche envoyer un huissier saisir un précaire produit par son auto-exploitation même au service de cet éditeur même ! Selon les calculs du Laboratoire de Neuneulogie, la théorie prévoyait des résultats de cette expérience sociologique sûrs à pratiquement 100% et ce n’est pas Bernard Henri Laurens qui a fait le calcul statistique, je vous le garantis ! Evidemment, on est là pour s’amuser, mais nous avons aussi hâte du résultat, qu’on s’amuse encore plus !
Le Consul : Incrédules que vous êtes ! Le réel n’est pas seulement bien fondé, il est également réellement ce qu’il dit qu’il est. Voilà la preuve de votre expérience.
Le Peintre du Champ : Cher Consul, je commence à me demander s’il n’est pas temps de vous muter. C’est typique des personnes en poste dans le réel ou soit disant tel dotés de la fausse-monnaie du Consulat : on ne trouve que des avantages sociaux à croire aux impostures légitimes garanties par tout le groupe (la définition anthropologique du réel). Je vous rappelle qu’on est ici pour faire de la sociologie ce qui par les temps qui courent est strictement incompatible avec une carrière de sociologue sauf à être suffisamment socialement doté à l’origine pour ne pas avoir à faire tout ce qu’il faut faire à plein temps (et tout ce qu’il ne faut pas faire) pour faire carrière dans une fayocratie. Il faut choisir. La preuve par Bernard Henri Laurens, habilité à faire du fitness par les plus hautes instances bureaucratiques et l’ex-avant-garde éditoriale !
Le Consul : Je suis désolé, mais la rationalité est toute entière dans la démarche expérimentale. Mon compte-rendu d’audience était rigoureusement en accord avec le cadre théorique fixé, absolument pas fictionnel, et si la théorie était juste nous aurions perdu le cas comme prévu et été mis sur la paille (car le bras armé de l’illusion de réel garanti par tout le groupe, c’est ce fétiche qu’on appelle l’argent) et la démonstration aurait été faite Je vous rappelle les grandes lignes de mon rapport. Nous avions décidé de ne plaider qu’en droit pour savoir si cette chose existe, au moins en première instance (évidemment -sic- il y a toujours "la dernière instance"). Nous avions décidé d’accepter la fiction de la règle de droit qui dit qu’un jugement de référé n’a pas l’autorité de la chose jugée et relève de l’appréciation de “l’évidence” sans préjuger de l’examen du fond, qu’il doit donc être écarté. Et cela en sachant que le juge des référés est le Président du TGI donc administrativement de la juge du fond qui se retrouvait donc dans la position potentielle de devoir désavouer son chef. Nous avions également écarté d’un revers de main les éléments fournis par la partie adverse, témoignages d’immoralité fournis par des universitaires allant pleurer dans les jupes de la maîtresse d’école pour avoir pris une tarte (à la crême) dans la cour de récréation de l’Association par un mauvais garçon pour prouver, en mieux ratant qu’en référé (plutôt que “ratant mieux”), que le jugement n’est pas du droit mais un rapport de force social légitimé par l’écriture juridique (universitaires socialement institués par leurs titres sans référence à leurs absences d’oeuvres contre diplômé-chômeur). Et les mesures relevées en cours d’audience paraissaient aller exactement dans le sens des résultats attendus de l’expérience. En effet, l’avocat d’affaires qui sait ce que c’est, en pratique et non en théorie, un tribunal, a plaidé en insistant lourdement sur le référé (subliminalement une chose qui “n’a pas l’autorité de la chose jugée” l’a quand même de par l’autorité institutionnelle de celui qui l’a rendue...). Il a maintenu la fiction de la “disparition” du plaignant en février 2009 malgré les preuves du contraire (acte performatif pour réussir ce qui a été tenté à l’époque : faire “disparaître” l’actuel plaignant, étape dans un processus qui s’est attaqué depuis à tous les autres travailleurs-membres et in fine à l’histoire elle-même sous l’égide d’un enseignant d’histoire-géographie et d’un enseignant de philosophie spécialiste d’Orwell). Il a évoqué la fiction (propagée par l’éditeur d’un ancien membre d’Action Directe) des “violences” et la juge a approuvé de la tête. Elle a ensuite repris la parole pour faire remarquer à notre avocate que dans ses écrits on ne “comprenait pas” les “motivations” de son client à être reconnu membre d’une association “qu’il critique”. Cette dernière a alors proposé que son client s’en explique et la juge a fait une moue significative en jetant un regard un peu dégoûté au peu recommandé multi-récidiviste de la critiques chantillesque in situ de la sophistique académique et a mis l’affaire en délibéré sans autre forme, c’est le cas de le dire, de procès. Semblant prouver par-là que le vrai travail de l’avocat d’Affaires avait réussi : jouer sur les catégories mentales de la juge pour enfermer le plaignant dans l’image d’un harceleur professionnel, une figure qui hante l’incosncient des tribunaux ("procédurier" en langage indigène) et mériterait d’être étudiée. Donc on ne pouvait qu’être très confiants sur le résultat ultime de l’expérience : la légitimation juridique d’une fiction historique soutenue par le groupe d’associés dominants à défaut que le groupe d’associés dominés ait soutenu la fiction associative pour la faire “vraiment” exister (pour récupérer le contrôle du capital constitué en commun), soit la fabrique de l’illusion de réel comme rapport de force symbolique objectif dissimulant les rapports de force sociaux dont l’enjeu est le contrôle du capital.
Le Peintre Du Champ : Ces mesures prises au-cous de l’expérience dépassaient même toutes nos espérances. C’était l’histoire des deux types qui entrent dans une boulangerie. Le premier demande une baguette (dans notre cas du droit), la boulangère écarquille les yeux et appelle la police, le second ressort sans problème avec une tranche de jambon.
Le Consul : Et bien nous sommes ressortis avec une baguette ! La juge a d’abord fait abstraction du référé pour juger. Elle a ensuite écarté les petites blagues et les doux mots échangés dans la cour de récréation de l’association, tout cela n’étant que “littérature” et sans conséquences juridiques. Jugé qu’en droit la “démission” est un “acte” contractuellement défini qui ne se présume pas, et non des “mots” comme “je suis parti” ou “il a subitement disparu”. Qu’il n’existe pas de procédure en l’absence de réglement intérieur permettant qu’un travailleur perde son statut de membre associatif pour défaut de travail (et qu’une association n’est pas un camp de travail). Rejeté l’infaillibilité papale du Président de l’Association, plaidant qu’en vertu de l’article il a le monopole de l’interprétation des statuts. Que, de toutes façons, il ne saurait y avoir d’automaticité de la perte du statut de membre sans acte du bureau qui se doit par ailleurs de donner au membre incriminé la possibilité de se défendre. Qu’ayant par deux fois explicitement refusé au plaignant de siéger à l’Assemblée générale, l’obligeant à de coûteuses démarches pour faire entendre sa voix dans l’instance où doivent se régler les conflits au sein d’une association, l’obligeant à le faire sur la place publique etc.
Le Peintre Du Champ : c’est inouï ! Des années d’observations du réel ou soit-disant tel depuis la sociologie puis la fiction pour en arriver là ! Vous avez soudoyé la juge pour renforcer la légitimité de l’illusion de réel parce que vous avez pris goût aux avantages qu’on peut en tirer dans la position de Consul. Ah, mais ça ne va pas se passer comme ça ! Vous allez y rester dans le réel, mon petit ami, mais sans consulat et sans traitement, et vous allez entrer dans le réel de l’homme du commun et vous ne ferez pas le fier !
Le Consul : Comment osez-vous me soupçonner ? Qu’y puis-je moi, si la juge a écarté tout contexte subjectif pour se cantonner à une analyse strictement juridique basée sur la logique et la définition du mot “démission” telle qu’elle résulte du contrat associatif représenté par les statuts ? Je sais bien qu’en général il n’y a que les avocats d’affaires qui arrivent à cela dans des procès impliquant deux puissances égales comme deux multinationales, mais la Vérité, les Faits ! Et peut-être est-ce là un coup particulièrement tordu du réel pour démentir la fiction et la re-fictionnaliser quand elle prétend décrire le réel sous la forme déniée qui lui est si particulière...
Le Peintre du Champ : “La Vérité, les Faits” ? Là tu t’es trahi mon bonhomme. Ceux qui invoquent “la Vérité, les Faits” à tout bout de champ comme des cabris ont quelque chose à cacher. Pourquoi être obligé sinon de dire qu’on dit la vérité quand on la dit... Nous voilà bien : nous avions essayé à des fins sociologiques, mais aussi pour en finir avec cette histoire et à défaut de pouvoir porter l’affaire devant un sexologue (la partie adverse en a un gros et là encore nous n’aurions pu nous en payer qu’un petit - comme quoi, malgré la fausse-conscience féminiiste, c’est quand même la taille qui compte), de nous en remettre à une instance arbitraire extérieure chargée de la légitimation des choses de l’ordre aussi brutales soient-elles pour qu’elle déclare officiellement qu’il n’y a qu’un seul Membre dont tout procède (membres, bureau, produits de la mer) et que chacun sache à quoi s’en tenir dans cette “association” et prenne garde à ses os... et patatras. Voilà qu’à cause de cette juge insensée, c’est devenu une association, avec une Assemblée Générale souveraine où des points de vue et des intérêts différents ont droit de cité et où en cas d’exécution capitale la chose se doit d’être assumée par les membres dans un contexte qui n’est plus le lieu de travail d’où les déviants successifs à la “ligne éditoriale” et à la NPC (Nouvelle Politique Commerciale) sont obligés de prendre la fuite pour échapper à la brutalité du Seul et de l’Unique qui ne laisse ni preuves ni traces physiques ! Si on n’y prend garde, il finira par s’établir un contre-pouvoir permettant de mettre des limites à la déraison du pouvoir afin d’éviter que tout le monde finisse broyé, à commencer par ceux et celles qui y travaillent actuellement (pour certains proches du point de rupture d’après des prélèvements récents ou en tous cas présentant tous les symptômes liés à la somatisation de la domination.) Et d’empécher l’OS depuis longtemps au stade critique du briseur de miroirs de passer totalement de l’agôn à l’hubris. Et par terre, la démonstration selon laquelle le capital s’accumule dans des sectes subjectivistes qui seules permettent le sur-travail ! Décidément, cette histoire de tribunal est un vrai rêve de petit-bourgeois social-démocrate qui prend l’illusion de réel pour la réalité qui n’appartient qu’à ceux qui comptent les sous ! Et un cauchemar pour nous autres, personnages de fiction. Pinçons-nous, il parait qu’ils font comme ça, de l’autre côté du miroir...
fr La Croisière du Marcel-Noël-Bourdieu ?