Marseille : Roms et Sans-abri de Chateau Bel Air
jeudi 13 novembre 2008
Un site à préserver, qui en attente de projets sérieux, accueille des populations démunies auxquelles aucune réponse n’a été apportée : un scandale pour l’Etat qui expulse.(photo marie-laure thomas) Un site à préserver, qui en attente de projets sérieux, accueille des populations démunies auxquelles aucune réponse n’a été apportée : un scandale pour l’Etat qui expulse.(photo marie-laure thomas) Bel Air. Une bastide désertée par la gendarmerie sert d’abri à une association de SDF et depuis cet été à des Roms. Le ministre de la Défense, faisant fi de Dalo, et d’humanité, expulse.
Depuis 2002, la superbe bastide Bel air, construite en 1871 impasse de Gibraltar dans le 14e arrondissement, avec une vue imprenable sur Marseille, son parc arboré et son pavillon de chasse sont laissés à l’abandon. Elle a été squattée, vandalisée, jusqu’à ce que les temps deviennent plus cléments et que, le 11 janvier 2008, un groupe d’une dizaine de SDF, ex-Don Quichotte, fatigués des promesses non tenues, s’y installe, sans effraction. Tranquillement, ils aménagent un potager, montent un projet d’insertion, créent leur association : Château Bel Air.
« Nous avons aménagé les lieux, demandé l’électricité. Pour l’eau, nous avons un accord avec une voisine qui nous laisse remplir des jerricans pour 10 euros par mois, histoire d’avoir un peu d’hygiène et pour arroser le jardin. Parce que tout était sec quand nous sommes arrivés », explique Jean-Claude. Ensemble, ils montent un projet associatif : « Nous travaillons à la resocialisation des personnes dans la rue par la restauration d’un site, avec un aménagement de chambres individuelles, d’espaces intimes qui n’existent pas dans les unités d’hébergement d’urgence », décrit Gérald.
Et jusque-là, la présence de l’Ecossais, de Pierrot, de Jean-Louis, de Lise, de Momo, de Chris, d’Ingrid et de Gérald n’a dérangé personne. Bien au contraire, elle a permis d’éviter d’autres actes de saccage.
Car, si les SDF ont élu domicile dans le petit pavillon, la bastide est restée ouverte aux quatre vents, planchers et cheminées de marbre arrachés. Jusqu’au printemps dernier où une cinquantaine de Roms, en famille, s’y sont réfugiés. Ce même groupe avait déjà été expulsé des appartements insalubres de la rue Félix-Pyat, puis des anciens garages de la rue Caravelle, sans qu’aucune solution adaptée ne leur soit proposée. Les sites étant jugés dangereux pour les enfants. La rue serait-elle plus sûre ?
Leur installation s’est faite « en bonne intelligence » avec l’association de SDF. « Nous n’avons pas eu de souci de voisinage avec ces familles », note Gérald. Mais leur mode de vie, ou plus exactement de survie, effraye un peu le quartier. Et le ministère de la Défense de se réveiller.
Assignés le 30 septembre devant les tribunaux pour une audience le 2 octobre, on veut faire vite. Elle a été envoyée au 9 octobre sur la demande de l’avocat de la défense, maître Lionel Febbraro, qui plaide un délai de deux ans. Le délibéré est rendu aujourd’hui et si l’expulsion est accordée, elle peut avoir un effet immédiat. Une méthode expéditive pour un dossier complexe et sensible. Voilà toute l’humanité d’un gouvernement qui met en place le Droit au logement opposable (Dalo) d’un côté et n’est pas prêt à l’appliquer de l’autre.
Aux dernières nouvelles, les associations auraient obtenu l’assurance qu’il n’y aura pas d’expulsion pendant la trève d’hiver.