Depuis quelques semaines, les archives en ligne de la revue Agone proposées gratuitement sur le site revues.org sont hors-ligne.
Les éditions Agone avaient en leur temps participé à, et promu, la création de ce projet faisant partie d’OpenEdition, « développé par le Centre pour l’édition électronique ouverte (Cléo), une initiative publique à but non-lucratif soutenue par de grandes institutions de recherche et dont la principale mission est la promotion de l’édition électronique en libre accès. »
Pour des raisons que nous ignorons, la publication des numéros récents (qui n’étaient accessibles en intégralité que deux ans après leur publication) a cessé peu de temps après la grave crise survenue aux éditions Agone qui s’est soldée par la rupture conventionnelle ou la démission de 5 salariés de leur emploi (et non de leur statut de membres) sur 6. On peut cependant rappeler que le conflit opposant un membre fondateur de l’association Agone Éditeur (qui a en 2013 déposé le nom Agone à l’INPI en son nom propre) et une majorité de directeurs de collection appartenant au champ académique d’une part, et les salariés d’autre part, portait notamment sur l’édition numérique. Majoritaires, ces derniers s’opposaient à certaines initiatives qui devaient être menées tambour battant sans réflexion politique de fond préalable, afin d’être « à l’avant-garde du numérique ».
On ignore encore ce qu’il va advenir de ces archives, mais on ne peut pas exclure leur commercialisation numérique.
Une chose est sûre. Les liens vers ces articles sont abondamment référencés sur de nombreux sites. Ils le sont également dans de nombreux articles et livres publiés, que ce soit sur le net ou sur papier. D’un point de vue scientifique ou même simplement critique, la suppression de ces références qui semblaient pourtant appartenir au domaine public est un obstacle pour remonter aux sources. Agone trahit donc la vocation d’éditeur scientifique à laquelle la maison d’édition prétend. Agone trahit donc la vocation rationaliste que la maison d’édition prétendait affirmer dans le champ militant (incitant et donnant les moyens "au plus grand nombre" de vérifier les faits.)
Une chose est sûre. En suivant ces liens brisés, le lecteur critique est désormais redirigé vers un site marchand, soit la boutique en ligne des éditions Agone.
Une chose est sûre. Les textes offerts par les auteurs de la Revue (aucun n’a jamais fait l’objet du moindre contrat) l’ont été avec « la prétention de donner à lire ce que l’Université, des sciences à la philosophie et à l’histoire, produit encore de connaissance subversive ».
Une chose est sûre. Tous ceux et toutes celles qui ont contribué au travail d’édition de ces textes l’ont fait dans le but de « proposer des œuvres qui fournissent au plus grand nombre des outils pour comprendre le monde dans lequel nous vivons ».
Une chose est sûre. Tous ceux et toutes celles qui ont mis ces articles en ligne avec un immense professionnalisme sur le site revues.org l’ont fait pour promouvoir le libre accès au savoir.
Une chose est sûre. La trahison numérique des éditions Agone affirme en actes le plus grand mépris pour le travail, l’éducation populaire, la science et le domaine public.
Nous appelons les éditeurs-web référençant ces liens désormais morts à protester auprès des éditions Agone pour que les archives soient rétablies dans le domaine public Revues.org et, dans cette attente, à faire pointer ces liens morts vers une page de protestation comme celle-ci.
Benoît EUGENE, ancien rédacteur en chef de la revue Agone, Membre de l’Association Agone Editeur
Les éditions Agone, Canal gentrifié, nous annoncent deux rééditions pour janvier 2014 : La percée de Jean Bernier, et Hommes en guerre , d’Andreas Latzko. Deux livres sur la guerre de 14... pour le centenaire de la grande boucherie qui verra moult commémorations, c’est à dire subventions.
Ces deux livres furent initialement publiés dans la collection Marginales par Héléna et Samuel Autexier, auxquels il fut tant reprochés de publier des "livres qui ne se vendent pas". Marginales fut même traitée de "danseuse d’Agone". Et pourtant ils ont continué à "se vendre" depuis 10 ans, comme tous bons livres de fonds, peu de ventes mais pendant très longtemps. C’est dire que la mise "en commun" de "façon permanente" de leur "activité" et de leurs "connaissances" perdure jusqu’à ce jour (pour reprendre les termes de la loi de 1901, reconnue à "portée constitutionnelle" qui définit le contrat associatif.)
Selon le dernier arrêté des comptes 2012, il restait au 31/12/2012 333 du premier et plus de 1000 exemplaires du second. Que vont devenir ces exemplaires qui ne doivent pas concurrencer les rééditions sous l’uniforme de la nouvelle couverture de "La Manufacture de Prose" ? Sans doute sont-ils voués au pilon. Façon aussi de faire disparaître, peu à peu, l’histoire des éditions Agone et de cette histoire ceux qui l’ont faite, au temps des jours heureux, à défaut que le site internet n’explique, comme cela fut pourtant demandé, pourquoi les livres de Marginales sont aujourd’hui au catalogue de la Manufacture de Prose. Et pourtant, pour en avoir distribué en Afrique, l’auteur de ces lignes sait à quel point ils y ont un public, dans ce continent ravagé par des guerres aussi meurtrières qu’ignobles, peuplé d’enfants-soldats. Comment accepter que des livres, produits dans une économie anti-économique, soient détruits dix ans plus tard pour des raisons économiques au diapason d’un programme commémoratif étatique ? Où l’on n’entendra pas dire que les causes de 14, par-delà l’enchainement tragiquement implacable de son déclenchement, sont dues aux grands affrontements capitalistes qui produisent aujourd’hui encore les mêmes effets au Congo et ailleurs ?